Tagging et cardiomyopathies
CARDIOMYOPATHIES DILATÉES
Hypocontractilité et asynchronisme sont les éléments dominants dans les cardiomyopathie dilatées hypokinétiques. Les anomalies du strain (z-score) sont très hétérogènes dans l’espace. Le z-score moyen excède généralement 2 fois l’écart type de la normale (Joseph 2010 [1]). Le septum présente un allongement systolique au lieu d’un raccourcissement tandis que le strain latéral est relativement préservé. La torsion base-pointe globale est réduite de moitié dans la CMD et s’interrompt prématurément en début de systole par rapport au cœur sain (Kanzaski 2006 [2]). Akinésie d’un large territoire inférieur dans un cas de cardiomyopathie dilatée hypokinétique primitive (pas d’atteinte coronaire ni de lésion visible post-gadolinium). Compte tenu de l’hypokinésie sévère (FEVG 20%), il est difficile de discriminer visuellement le territoire le plus atteint en comparant les images diastolique (A) et systolique (B) alors que les indices extraits du tagging (champ des vecteurs de déformation en C et carte couleur des déplacements en D ici) sont beaucoup plus explicites.
Le bloc de branche gauche (BBG), présent chez 25% de ces patients induit un remodelage VG et une hypoperfusion septale (Vernooy 2005 [3]), accentue les anomalies contractiles et l’asynchronisme [4] et est prédicteur d’un pronostic plus sévère [5]. Les anomalies du strain circonférentiel liées au BBG ont été étudiées chez des patients présentant un cardiopathie ischémique ou non ischémique par Han 2010 [6]. Une dyskinésie des portions antero-septale et inféro-septale est observée chez 50% des patients avec BBG avec alors fréquemment un début de contraction initiale protosystolique précédant le mouvement dyskinétique, une dyskinésie limitée à la paroi antéro-septale est observée dans 30% des cas et dans 20% des cas l’anomalie se limite a une simple hypokinésie. Le strain circonferentiel est abaissé de manière similaire dans les cardiomyopathies avec ou sans BBG mais l’asynchronisme est fortement accentué en cas de BBG (écart type du temps de contraction maximal vers 164 ms alors qu’il n’est que de 70 ms sans BBG).
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Exemple de dyskinésie septale observée en cas de bloc de branche gauche complet. Les courbes de strain circonférentiel correspondant aux parois septale haute et basse (courbes jaune et verte) montrent une nette dyskinésie
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Même patient que ci-dessus en coupe petit axe
CARDIOMYOPATHIES HYPERTROPHIQUES
Dans la cardiomyopathie hypertrophique, le strain circonférentiel septal est significativement diminué −13.4 ± 4.7 vs −19.5 ± 2.3% de même que le strain diastolique dans tous les territoires (Ennis 2003 [7]). L’altération du strain circonférentiel prédomine dans les zones fibreuses qui apparaissent en hypersignal post-gadolinium (présentes dans 84% des cas). Il s’agit essentiellement des zones d’hypertrophie pariétale prédominant à la partie haute du septum se raccordant avec le VD mais il peut aussi s’agir des segments où le myocarde présente une épaisseur normale, avec présence d’un hypersignal nodulaire focal.
Sévères anomalies étendues du strain circonférentiel (zone bleue en B) et radial prenant largement le septum chez un patient avec cardiomyopathie hypertrophique concentrique liée à une amylose. Le champ de déplacement (C) et la carte de rotation (D) sont également très perturbés dans le territoire septal.
STÉNOSE AORTIQUE
La sténose aortique induit une accentuation de la rotation apicale du VG (12±6° vs 6.8±2.5° pour Nagel 2000 [8], 22.2±5.9° vs 10.3±2.5° pour Sandstede 2002 [9]) ainsi que de la torsion entre base et apex (se normalisant un an après remplacement valvulaire). La détorsion qui précède le remplissage diastolique est prolongée. Ces troubles de rotation myocardique ne sont pas observés dans l’HVG du sportif (Stuber [10]).
Fonction diastolique et insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée
Dans l’insuffisance cardiaque, la rotation est réduite et ne s’améliore partiellement qu’à la base sous traitement (Fuchs 2005 [11]). Dans l’insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée, une torsion systolique accrue a été rapporté Phan 2009 speckle [12]. Dans la dysfonction diastolique modérée la torsion est accrue mais on observe une pseudo normalisation dans les formes plus sévères de la maladie (Spark 2008 speckle [13]). L’accroissement de la rotation apicale (25.1+/-3.7° vs 8.0+/-2.8° à l’état basal) a été rapporté en expérimentation animale par Bachner 2010 [14] comme marqueur de la toxicité de la Doxorubicine alors même que la FEVG restait normale.
AU TOTAL
L’imagerie de tagging IRM est devenue accessible grâce à la mise à disposition de puissants outils de post-traitement (Logiciel InTag notamment [15]). La complexité et le nombre des indices disponibles ainsi que leur variabilité régionale, nécessitent l’élaboration d’atlas de normalité (référence) dans la perspective de pouvoir exprimer les résultats de manière synthétique sous forme de z-score qui seront fortement automatisables et largement opérateur indépendants. A l’heure actuelle il n’y a pas encore d’indice fonctionnel ayant pu être individualisé pour la pratique clinique courante, à l’instar du rapport Em/Ea permettant d’estimer les pressions de remplissage du VG en écho-doppler tissulaire. Cependant, outre l’intérêt physiopathologique certain du tagging, il y a bon espoir de pouvoir dégager prochainement des marqueurs pathologiques précoces nouveaux, avant que des anomalies ne deviennent perceptibles avec les indicateurs fonctionnels traditionnels.