FAUX-ANEVRYSMES ET DIVERTICULES DU VENTRICULE GAUCHE
Les faux anévrysmes du ventricule gauche résultent généralement de la rupture ou de la fissuration d’une paroi libre du VG en péricarde cloisonné d’origine ischémique (complication mécanique de l’infarctus). Il en résulte une poche ou un sac anévrysmal raccordé au ventricule gauche par un collet. La distinction avec un anévrysme ventriculaire vrai n’est pas toujours facile. Les critères de diagnostic sont rapportés par Konen 2005 [1].
Faux anévrysme inféro-apical du VG se présentant comme un poche sous jacente au VG dont elle est séparée par une fine membrane percée d’un pertuis.
Le sac anévrysmal est circulant car il ne contient pas de thrombus constitué’
Patient de 58 ans avec occlusion IVA. Echo de spin T1 (TE 12 ms) montrant un faux anévrysme par rupture cardiaque en péricarde cloisonné avec collet mince (flèche).
Noter sur cette coupe 4 cavités en écho de gradient le jet de perte de signal systolique montrant le flux de va et vient traversant le collet vers le sac anévrysmal (sans thrombus associé).’
Patiente de 45 ans aux antécédents de traumatisme thoracique grave avec volet costal plusieurs années auparavant. L’incidence verticale grand axe montre une fracture myocardique post-traumatique avec cloisonnement péricardique inférieur.
Reconstruction scanographique dans la même incidence montrant l’extrême minceur du colmatage péricardique’
Bilan d’une ‘masse’ découverte fortuitement à la graphie thoracique chez un patient de 75 ans sans antécédent cardiaque clinique notable.
Volumineux anévrysme pseudo-tumoral de la coronaire droite dont on voit ici le chenal circulant (en hypersignal) et la composante thrombosée (en hyposignal).’
Bilan d’une masse péricardique anormale décelée en échographie.
Anévrysme de la coronaire droite avec portions thrombosées et portions circulantes’
TUMEURS CARDIAQUES BÉNIGNES IMPLIQUANT LE PERICARDE
Les tumeurs cardiaques bénignes (Araoz 2000 [1]) sont traitées dans un autre chapitre. Le variétés pouvant impliquer le péricarde sont :
– Les LIPOMES sont les secondes tumeurs cardiaques bénignes les plus fréquentes après les myxomes. Ils présentent un aspect typique à contours régulier avec hypersignal caractéristique en écho de spin pondéré T1, compte tenu du T1 très court de la graisse. Plusieurs types de séquences (cf: voir distinction liquide/graisse) permettent d’affirmer le caractère lipidique de ces formations tumorales qui sont exceptionnellement obstructives ou compressives.Exemple de volumineux lipome de plus de 3 cm d’épaisseur, adossé à la paroi latérale du VG et remontant dans le médiastin gauche
Fibromes, tératomes, paragangliomes et lymphangiomes sont évoqués dans le chapitre sur les tumeurs cardiaques.
TUMEURS CARDIAQUES MALIGNES IMPLIQUANT LE PERICARDE
– Les tumeurs cardiaques malignes (Araoz 1999 [2]) sont traitées dans un autre chapitre.
TUMEURS MALIGNES PRIMITIVES
Elles sont moins nombreuses que les tumeurs bénignes primitives puisque 25% seulement des tumeurs primitives sont malignes. Elles demeurent longtemps asymptomatiques jusqu’à ce que leur volume important ne soit la source de symptomes aspécifiques : dyspnée, insuffisance cardiaque ou troubles du rythme. De manière générale, les données d’imagerie – même si elles peuvent être suggestives – ne permettent pas un diagnostic précis et un prélèvement biopsique avec examen histopathologique sont nécessaires pour préciser la conduite à tenir thérapeutique (van Beek 2007 [3]).
– L’ANGIOSARCOME est la principale tumeur maligne que l’on peut rencontrer (37%). Elle touche essentiellement l’oreillette droite et le péricarde. Elle est constituée de cellules endothéliales. Le liquide de ponction est hémorragique, souvent sans cellules malignes. Le pronostic est sombre en raison d’un developpement rapide très infiltrant. L’angiosarcome peut se présenter comme une masse bien définie prenant l’OD ou comme une infiltration diffuse du péricarde. L’aspect est hétérogène en raison de foyers hémorragiques avec lacs vasculaires, ce qui explique le rehaussement intense de signal, hétérogène, observé après gadolinium).Parmi les autres formes de sarcome, les LIPOSARCOMES sont très rares et apparaissent comme une large masse infiltrante. Contrairement à son intitulé, cette tumeur ne comporte que peu de foyer graisseux mais les foyers hémorragiques sont importants.
Ci-contre : Exemple de LIPOSARCOME révelé par une tamponnade hémorragique chez une patiente de 68 ans. Noter le caractère très compressif de la tumeur et l’hétérogénité du signal intrapéricardique sur cette séquence d’écho de spin pondérée T1, en rapport avec une hémorragie péricardique récente.
Les LYMPHOMES cardiaques primitifs sont très rares comparativement aux lymphomes médiastinaux avec envahissement cardiaque et peuvent toucher les patients immunodéprimés. Ils sont habituellement non Hodgkinien, de type B, confinés au coeur ou au péricarde et intéressent le bord droit du coeur.
Le MESOTHELIOME péricardique dérive de cellules mésothéliales propres au péricarde et est distinct du mésothéliome pleural. Cette affection n’a pas de lien causal avec l’exposition à l’amiante. Elle s’exprime sous forme d’épaississement nodulaire du péricarde.
TUMEURS MALIGNES SECONDAIRES
Les métastases cardiaques (Chiles 2001 [4]) sont 20 à 40 fois plus fréquentes que les tumeurs malignes primitives mais les conséquences cardiaques sont généralement au second plan en comparaison des problèmes carcinologiques, sauf si un épanchement ou une hémorragie entraîne une tamponnade. Leur répercussion cardiaque principale résulte des épanchement péricardiques. Les métastase cardiaques sont en fait fréquentes mais généralement cliniquement méconnues ; elles sont découvertes à l’autopsie chez 10 à 12% des patients décédés de cancer (Wang 2003 [5]).
Les cancers broncho-pulmonaire et du sein, les mélanomes et les lymphomes sont les principaux responsables de métastases cardiaques. L’implication péricardique avec épanchement est fréquente. L’envahissement peut se faire par une des 4 voies : 1) extension lymphatique rétrograde, 2) diffusion hématogène, 3) extension par contiguité de voisinage et 4) extension par le drainage de retour veineux.
Les masses tumorales apparaissent en général en hyposignal T1 et en hypersignal T2, sauf les mélanomes qui présentent un hypersignal T1 en raison de composantes paramagnétiques liées à la mélanine. Un rehaussement de signal est habituellement observé après injection de gadolinium comme on peut le voir ci-dessous :
Métastase péricardique d’une tumeur de Grawitz
Patient de 70 ans asymptomatique sur le plan cardiaque, bilanté en IRM en raison d’un thrombus cave inférieur découvert en échographie, compliquant un cancer du rein. Les coupes T1 axiales et le ciné en écho de gradient n’ont pas retrouvé de thrombose ni de masse tumorale de la veine cave inférieure. Par contre, on met en évidence une formation tumorale localisée dans le péricarde (flèche rouge) en arrière du sillon tricuspidien, épargnant la coronaire droite, en hyposignal, sans épanchement liquidien associé. Noter la présence d’un nodule pulmonaire métastatique (fléche verte) et le net rehaussement du signal de la masse tumorale après injection de gadolinium (ciné à droite).
Les épanchement péricardiques néoplasiques sont fréquents mais n’entrainent généralement que peu de symptômes en raison de leur constitution progressive avec peu de douleurs et sans fièvre. Il s’agit volontiers d’une découverte échographique ou scanographique.
Les hémorragies tumorales apparaissent en général en hypersignal T1. Outre l’épanchement péricardique on peut observer des épaississements, des nodularités ou des masse péricardiques venant rompre l’intégrité de la ligne péricardique physiologique.
Epanchement péricardique circonférentiel volumineux chez un patient présentant un cancer digestif évolué. L’aspect en hypersignal T1 hétérogène évoque au minimum un exsudat avec protéines inflammatoires et fibrine et possible composante hémorragique.
Sur ces images ciné on distingue la composante liquidienne majoritaire dans le décollement péricardique mais aussi des structures épicardiques flottantes très mobiles relativement épaisses devant le VD, correspondant à des franges graisseuses hypertrophiées.
TUMEURS PULMONAIRES OU MEDIASTINALES INTÉRESSANT LE PÉRICARDE
Lésion métastatique connexe au péricarde, sans envahissement péricardique
Bilan d’un nodule centimétrique découvert au scanner chez un patient de 52 ans présentant un hémangiopéricytome de la fosse iliaque droite. Il s’agit d’une tumeur vasculaire rare dérivée des cellules mésenchymateuses. Le nodule centimétrique siége derrière l’oreillet droite. L’aspect en hyposignal T1 et en hypersignal sur les séquences STIR pondérées T2 évoque en premier lieu une formation liquidienne ou kystique. Cependant l’hyposignal T1 est moins marqué que dans les formations kystiques habituelles et on note un leger rehaussement du signal sur l’écho de spin T1 post-gadolinium ainsi qu’un important rehaussement annuaire (tête de flèche) sur les images en inversion récupération GRE post-gadolinium, en faveur d’un structure tissulaire et non pas simplement kystique, avec probable centre nécrotique. Ces indices sont donc en faveur d’une probable extension métastatique de l’hémangiopéricytome mais sans signe d’envahissement péricardique sur ces clichés.
Tumeurs médiastinales ou pulmonaires paracardiaques, sans envahissement péricardique
Thymome envahissant le récessus péricardique supérieur (flèches)
Vaste cancer broncho-pulmonaire envahissant le bord droit du coeur et pénétrant largement dans l’oreillette droite mais sans épanchement péricardique associé’
Le bilan d’un épanchement péricardique peut conduire à découvrir une tumeur plumonaire (bronchogramme), des épanchement médiastinaux, une médiastinite ou une masse médiastinale paracardiaque.Exemple de cancer bronchique envahissant largement l’oreillette gauche.
Schématiquement, l’orientation diagnostique des masses médiastinales s’effectue à l’aide de compartiments délimités par des lignes séparant les étages antérieur – moyen – postérieur et supérieur – moyen – inférieur selon le graphique ci-dessous (cf: Sans N et al, Approche diagnostique des masses médiastinales. Encycl Méd Chir, Radiodiagnostic – Coeur-Poumons, 32-535-D-10, 2000, 18p)
COMPARTIMENTATION DU MEDIASTIN
PRINCIPALES PATHOLOGIES SELON LE COMPARTIMENT
La tonalité du signal en fonction des pondérations T1 et T2 oriente sur le type de masse mais ne permet pas un diagnostic étiologique précis.
L’analyse des contours péricardiques est importante pour préciser si il existe ou non une rupture de continuité du liseré péricardique témoignant d’une effraction intrapéricardique, voire intracardiaque car, selon le type de tumeur, cette situation influence les possibilités thérapeutiques.Dans cet exemple de volumineuse masse médiastinale gauche à contours réguliers, il n’y a pas d’effraction péricardique associée.
L’IRM est considéré comme une indication de classe I dans la recherche de cause tumorale pour une lésion péricardique selon le groupe de travail de la Société Européenne de Cardiologie (Europ H J 2004, 25, 1940-65 [6] )
Il s’agit de kystes congénitaux correspondant à une portion du péricarde dévié durant le développement embryologique. La paroi est mince, sans septa interne. Le contenu liquidien pauvre en proteine dicte l’aspect caractéristique en hyposignal T1 et en hypersignal T2 homogène, sans rehaussement de signal sur les séquences T1 post-gadolinium. Rarement, un contenu plus riche en protéines peut conduire à un aspect plus intense sur les images pondérées T1. La localisation est habituellement dans l’angle cardio–phrénique droit (2/3 des cas). Ils sont rarement pédonculés. Parfois la formation peut-être indiscernable d’un kyste bronchogénique ou thymique si la localisation est inhabituelle.
Exemple de petit kyste pleuropéricardique de l’angle cardio-phrénique droit avec aspect typique en hyposignal T1 (image de gauche) et en hypersignal T2 (séquence STIR, à droite)
Patiente de 56 ans souffrant de douleurs épigastriques inexpliquées depuis 4 ans.Au scanner (image de gauche) : image kystique arrondie à parois minces située en avant du lobe gauche du foie.
L’IRM pondérée T2 en coupe frontale (image de droite) montre un volumineux kyste en hypersignal homogène sans septation interne
AGENESIE DU PERICARDE
L’agénésie péricardique, affection congénitale très rare, partielle (plutot à gauche) ou totale, entrainant volontier une lévorotation du cœur et pouvant se réveler par des symptômes liés au phénomène de hernie ou de protrusion cardiaque hors du sac péricardique (par exemple manifestations angineuses liées à la compression d’une artère coronaire – cf: Rusk 1999 [1]). Le signe principal est l’interruption nette du liséré péricardique (cf: Axel 2004 [2])
LESIONS TRAUMATIQUES DU PERICARDE
Avec ou sans effraction thoraciques, elles s’accompagnent généralement d’hémopéricarde et sont exceptionnellement du ressort de l’IRM compte tenu du contexte d’urgence qui conduit plutot à réaliser un scanner thoracique.
Exemples de lésions cardiaques internes causées par des cathéters
Les cathéters centraux sont souvent la cause de formations thrombotiques dans l’oreillette droite. Poussés trop loin, ils peuvent entrainer des LESIONS DE FRICTION comme on peut le voir dans l’illustration ci-dessous. Dans cet exemple, la lésion pariétale de l’OD a été découverte lors du bilan étiologique d’un épanchement péricardique. L’extrémité d’un cathéter de dérivation ventriculo-atrial (implanté en raison d’une malformation de Chiari chez une patiente de 35 ans) vient ici frotter le fond de l’OD et entraine une abondante extrasystolie ventriculaire (compliquant fortement l’examen IRM).
Décollement péricardique de 10 mm (flèche) avec épaississement de la paroi externe de l’OD
Renflement de la paroi de l’OD de 13 mm en avant de la valve d’Eustache’
Ce renflement correspondant à un cal fibreux induit par lésion de frottement se prolonge par le cathéter
Cathéter se terminant en battant de cloche contre la paroi de l’OD
Exemples de lésions cardiaques internes causées par une sonde de pacemaker
Les pacemaker et les défibrillateurs implantables restent des contre-indications classiques pour l’examen IRM mais le scanner est une excellent alternative dans ces situations difficiles où l’examen échographique et la radiographie standard ne permettent pas de conclure.
Perforation iatrogène de l’oreillette droite, sous l’auricule, par une sonde de stimulation auriculaire implantée 3 semaines auparavant, qui remonte dans le recessus antéro-supérieur (flèche verte). Epanchement péricardique modéré en postérieur (flèche rouge). Bonne évolution après ablation chirurgicale du matériel.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL AVEC DES STRUCTURES PARACARDIAQUES
Scissures pleurales :
feuillet pleural remanié paracardiaque droit antérieur
– Le péricarde est épaissi s’il dépasse 4 mm en echo de spin, de topographie circonférentielle ou localisée.
– Epaississement = hyposignal T1 et hyposignal en écho de gradient ciné (vs hypersignal en ciné si épanchement).
– L’IRM ne permet pas de distinguer fibrose vs calcifications, contrairement au scanner, qui est crucial dans ce domaine.
– Ne pas confondre épaississement (anatomie) et constriction (physiopathologie).
– Signes de constriction = 1) non compliance de la VCI en inspiration et 2) couplage ventriculaire pathologique.
– L’existence d’un couplage ventriculaire pathologique fait le diagnostic differentiel avec une cardiomyopathie restrictive.
L’IRM est considéré comme une indication de classe II dans cette pathologie par le groupe de travail de la Société Européenne de Cardiologie (Europ H J 2004, 25, 1940-65 [1] ) mais cette classification a été établie avant la description du couplage ventriculaire pathologique par Bogaert ([2],[3]) , qui renforce le rôle de l’IRM.
Les cardiomyopathies restrictives constituent un ensemble disparate dont le dénominateur commun est la gêne au remplissage ventriculaire alors que la fonction systolique peut rester normale. Dans ces situations les pressions droites sont souvent élevées et le tableau clinique peut conduire à évoquer une péricardite constrictive, d’autant plus que le profil hémodynamique au cathéterisme (égalisation des pressions et aspect en dip-plateau) est similaire à celui des péricardites constrictives.
Parmi les causes de fibrose cardiaque pouvant conduire à un état restrictif figurent notamment des affections qui n’évoquent pas a priori une péricardite constrictive comme la sarcoidose (avec foyers d’hypersignal post-gadolinium évocateurs), l’amylose (hypertrophie septale importante et hypersignal diffus assez caractéristique apres gadolinium – Van Geluwe 2006 [1]), ainsi que l’hémochromatose (diminution du temps de relaxation T2* traduisant la surcharge en fer). Cependant certaines atteintes cardiaques ne s’inscrivent pas dans de tels cadres bien définis et conduisent à des tableaux restrictifs avec dilatation des oreillettes et de la veine cave inférieure qui peuvent faire discuter la constriction péricardique.
Dans ces situations difficile, l’IRM revèle deux signes négatifs essentiels en faveur d’une cardiomyopathie restrictive :
1) ABSENCE D’EPAISSISSEMENT DU PERICARDE et
2) ABSENCE DE COUPLAGE VENTRICULAIRE PATHOLOGIQUE.
EXEMPLE DE CARDIOMYOPATHIE RESTRICTIVE
Patient de 36 ans, présentant des signes congestifs droits, sans antécédent pathologique notable et adressé en IRM pour suspicion de péricardite constrictive.
Dilatation de la VCI, du sinus coronaire et de l’oreillette droite. Pas d’anomalie péricardique.
Forte dilatation des deux oreillettes, fonction systolique des ventricules droit et gauche dans les normes.
Distension majeure de l’oreillette gauche avec flux lent tourbillonant mais pas d’aspect de stenose valvulaire mitrale et bonne fonction systolique du VG.
Imagerie ‘temps réel’ durant une manoeuvre de respiration ample. Pas d’inversion inspiratoire de la courbure septale comme on pourrait le voir en cas de couplage ventriculaire pathologique. Ceci permet d’exclure ici une péricardite constrictive.
L’hypertrophie myocardique est une cause fréquente de syndrome restrictif, notamment en cas de cardiomyopathie infiltrative, comme cela est illustré par ailleurs dans des cas d’amylose.
Analyse du péricarde et recherche de couplage ventriculaire pathologique apparaissent ainsi comme des atouts singuliers de l’IRM dans le difficile diagnostic différentiel entre péricardite constrictive et cardiomyopathie restrictive.
La constriction péricardique est l’expression de la mauvaise tolérance hémodynamique en cas d’épaississement péricardique. Il importe d’insister sur le fait que l’aspect anatomique (épaisseur et étendue de l’épaississement pathologique du péricarde, calcifications associées) ne sont pas synomymes de constriction dont le diagnostic est évoqué sur des signes cliniques. Anatomie n’est pas synomyme de physiopathologie.
C’est ainsi que des épaississement ou des calcifications péricardiques peuvent ne pas entrainer de constriction
A l’inverse, il a été montré par Talreja 2003 [1] que pres de 20% des péricardites constrictives ne s’accompagnent pas d’épaississement péricardique notable.
TOLERANCE HEMODYNAMIQUE EN CAS D’EPAISSISSEMENT PERICARDIQUE
Les indices de retentissement fonctionnel qui traduisent l’évolution vers la constriction péricardique ont été abordés dans la section Physiopathologie. Il sont de deux types :
– La PERTE DE COMPLIANCE DE LA VEINE CAVE INFERIEURE lors de l’inspiration profonde, signe aspécifique apparaissant dès que les pressions dans l’oreillette droite s’accentuent. Cette condition a été décrite dans la section précédente consacrée à la tolérance hémodynamique des épanchements péricardiques avec perte de compliance de la VCI.
– Les signes de COUPLAGE VENTRICULAIRE PATHOLOGIQUE ([2],[3])
Couplage ventriculaire normal : La pression dans le VD est toujours inférieure à la pression dans le VG. La courbure septale est toujours convexe vers l’avant, vers le VD, en inspiration comme en expiration
HTAP permanente avec septum paradoxal. La courbure septale est inversée avec bombement permanent (en inspiration comme en expiration) vers le VG en raison de l’élévation des pressions droites
En cas de constriction péricardique, la gangue péricardique inextensible ne permet pas la dilatation physiologique inspiratoire du VD. Il en résulte une hyperpression ventriculaire droite en inspiration qui entraine un refoulement du septum ventriculaire vers la gauche (flèche blanche).
Noter sur cette acquisition ‘temps réel’ réalisée lors d’une manoeuvre de respiration ample, l’inversion de la courbure septale EN DEBUT D’INSPIRATION, lorsque le diaphragme descend, avec bombement transitoire du septum vers le gauche. Ce signe est un indicateur presque spécifique de constriction péricardique, même si le péricarde n’est pas épaissi.
Patient de 66 ans, aux antécédents de remplacement valvulaire aortique (St Jude), sans calcification péricardique, avec signes cliniques et échographiques évocateurs de péricardite constrictive. Les coupes axiales en écho de spin montrent un discret épaississement péricardique contre la paroi latérale du ventricule gauche (flèches). Peu d’anomalie sont notables en ciné mais les séquences temps réel lors de la respiration ample permettent de bien mettre en évidence une incurvation fugace du septum vers le VG en début d’inspiration, en faveur d’un début de constriction péricardique (couplage ventriculaire pathologique).
EXEMPLES DE CONSTRICTION AVEC COUPLAGE VENTRICULAIRE PATHOLOGIQUE
Patiente de 56 ans, avec signes congestifs droits et liseré de calcifications découvert sur la graphie thoracique, sans aucun antécédent évocateur.
Radiographie thoracique de profil montrant un liseré de calcifications curvilignes typique.
Cine petit axe montrant un épaississement péricardique antérieur relativement étendu.
Séquence ‘temps réel’ en coupe petit axe lors d’une manoeuvre de respiration ample montrant l’inversion de la courbure septale en début d’inspiration.
Coupe axiale médio-ventriculaire montrant l’épaississement péricardique prédominant devant le VD et dans une moindre mesure en apico-latéral derrière le VG.
Encoignure de la paroi antéro-basale du VD et aspect relativement figé du péricarde en regard ainsi que de la paroi externe de l’OD.
Séquence ‘temps réel’ en coupe sagittale lors d’une manoeuvre de respiration ample montrant l’absence de collapsus inspiratoire de la VCI qui est dilatée.
COUPLAGE VENTRICULAIRE PATHOLOGIQUE DU SEPTUM BASAL
Patient de 42 ans, aux antécedents de radiothérapie médiastinale pour maladie de Hodgkin à l’âge de 9 ans et de triple pontage coronaire pour sténoses coronaires favorisées par la radiothérapie 12 ans auparavant.
Perte de signal rétrosternale liée aux fils de sternotomie, ne permettant pas d’apprécier l’épaisseur du péricarde.Rigidité de la paroi libre antérieure du VD et aspect de septum paradoxal (sans bloc de branche gauche sur l’ECG).
Séquences ‘temps réel’ en coupe axiale (ci-dessus) et petit axe (ci-dessous) montrant l’inversion de la courbure du septum basal lors de l’inspirationCe signe de couplage ventriculaire pathologique est en faveur d’une constriction péricardique malgré l’absence d’épaississement péricardique
Patient de 54 ans, aux antécedents de myopéricardite il y a plus de 10 ans, présentant une polyarthrite rhumatoïde sévère, invalidante. L’échocardiographie avant traitement anti-TNF a montré une masse pathologique postéro-inférieure VG
ECHO DE SPIN T1Structure péricardique ovoïde inféro-latéro-basale de 3 cm de grand axe, en hyposignal T1
STIR – T2′La masse apparait en hyposignal T2
GRE-IR POST-GADORehaussement de signal périphérique autours de la pseudo-tumeur péricardique latéro-basale
CINE SSFP
TEMPS REELEcrasement du septum vers la gauche en début d’inspiration signant la constriction péricardique
Scanner sans injection iodée
Pile axiale native
Reconstruction petit axe’
MIP
Les vues scanographiques révèlent une importante ceinture de calcifications qui cercle les sillons auriculo-ventriculaires droit et gauche avec présence d’une masse de densité tissulaire striée de clous calcaires en inféro-latéro-basal correspondant à la pseudo-tumeur visualisée en IRM.
Cet exemple illustre encore la supériorité du scanner pour identifier les calcifications car l’aspect en hyposignal dans toutes les pondérations en IRM est également compatible avec un tissu fibreux à T1 long et à T2 court.
L’existence d’un couplage ventriculaire pathologique est un indice crucial pour le diagnostic différentiel avec les cardiomyopathies restrictives.
Les épaissisements fibreux tout comme les calcifications donnent le même aspect d’hyposignal en IRM, quelque soit la séquence utilisée, de sorte que ces deux formes pathologiques sont indiscernables en IRM. En outre, le scanner est extrêmement sensible pour déceler des petites calcifications, ce qui est crucial pour le diagnostic alors même que le péricarde ne parait pas nettement épaissi.
Noter l’aspect figé des contours épicardiques du VD et l’important épaississement péricardique en hyposignal homogène.
Le scanner cardiaque, en particulier s’il est synchronisé à l’ECG, permet d’identifier aisément les calcifications qui constituent un indice supplémentaire en faveur d’une évolution vers la constriction. L’injection iodée est nécessaire s’il s’agit d’analyser les cavités cardiaques ou les coronaires mais n’est pas indispensable pour la détection de calcifications.
Cette illustration – correspondant au même patient que ci-dessus – montre la supériorité du scanner par rapport à l’IRM pour mettre en évidence les calcifications (flèches).
Présentation en ‘rendu de surface’ des données scanographiques, ce qui est intéressant pour effectuer la cartographie des calcifications péricardiques dans le cadre du bilan pré-opératoire.
Les interventions de décortication péricardique sont en effet difficiles et fastidieuses et l’inventaire anatomique préalable est une aide pour le chirurgien, en particulier pour montrer les rapports des calcifications avec les artères coronaires et pour identifier des clous calcaires pénetrant dans le myocarde.
Calcifications péricardiques sans constriction
Patient de 73 ans aux antécédents d’asbestose avec pachypleurite calcifiée (flèches rouges) et présence d’un épaississement charnu sous jacent prenant le produit de contraste, suspect de mésothéliome. Les calcifications péricardiques multiloculaires, sans signe de constriction péricardique n’étaient pas objectivées en échographie.
Dans sa forme complète, les signes classiques de la péricardite constrictive sont :
– Épaississement péricardique localisé ou circonférentiel de plus de 4 mm d’épaisseur.
– Dilatation de l’oreillette droite et de la veine cave inférieure.
– Aspect ‘tubulisé’ du ventricule droit.
– Anomalies de contraction du septum avec fasseyement caractéristique (vibration avec aplatissement protodiastolique)
– Rigidité des contours épicardiques qui apparaissent comme ‘rivetés’, fixés à la ligne péricardique qui reste immobile ; les mouvements de contraction se faisant principalement par le recul de l’endocarde.
– Fréquent épanchement pleural associé.
Coupes 4 cavité et petit axe en écho de spin T1 montrant un épaississement circonférentiel du péricard de plus de 4 mm
Cine SSFP dans les mêmes incidences montrant l’hyposignal diffus du péricarde épaissiNoter l’épanchement pleural gauche
De surcroit, un hypersignal des feuillets péricardiques après injection de gadolinium a été décrit comme un marqueur d’inflammation vérifié en anatomie pathologique, en cas de péricardiqte constrictive (Ha 2006 [1]).
DIFFÉRENTES FORMES TOPOGRAPHIQUES DE PERICARDITES CONSTRICTIVES
EPAISSISSEMENT PERICARDIQUE NE SIGNIFIE PAS CONSTRICTION…
ATTENTION !
– Il importe de ne pas confondre les indices anatomiques et les conséquences fonctionnelles. Épaississement ne signifie pas constriction (et constriction n’impose pas forcément épaississement).
– En présence d’un épaississement péricardique, les signes cliniques congestifs droits (dont la forme la plus avancée est le syndrome oedémato-ascitique de Pick) et les résultats du cathétérisme montrant une égalisation des pressions entre oreillette et ventricule sont des signes de constriction.
– Le tableau clinique et les mesures de pression sont cependant identiques en cas de cardiomyopathie restrictive.
– La recherche d’un couplage ventriculaire pathologique en IRM apportera ici un indice déterminant pour le diagnostic de constriction et pour le diagnostic différentiel entre cardiomyopathie restrictive et péricardite constrictive.
On peut categoriser les épaississement péricardiques selon :
– La présence ou non de calcifications
– Leur caractère circonférentiel ou localisé (en particulier dans les sillons auriculo-ventriculaires)
LE SCANNER EST INDISPENSABLE POUR IDENTIFIER LES CALCIFICATIONS
L’IRM ne permet pas de différencier un épaississement fibreux d’une calcification car ces deux types de structures apparaissent sous forme d’un hyposignal non discriminant, quelque soit le type de séquence utilisée. La graphie thoracique (et surtout la scopie sous amplificateur de brillance) et le scanner (même non injecté) ont ici un rôle complémentaire crucial pour affirmer la présence de calcifications. Lorsqu’un épaississement péricardique est identifié il est donc impératif de réaliser ces examens ; la situation idéale étant de pouvoir immédiatement passer de l’IRM au scanner (si possible synchronisé à l’ECG même s’il n’y a pas d’injection iodée), dans la mesure où l’environnement de travail et la disponibilité des appareils le permettent, en sachant qu’une spirale scanographique en apnée est réalisée en une dizaine de secondes seulement ce qui est peu pénalisant pour un planing de travail ordinaire.
EXEMPLE D’EPAISSISSEMENT CIRCONFERENTIEL NON CALCIFIE
Observation d’un patient africain de 25 ans présentant des signes congestifs droits et des antécedents de tuberculose pulmonaire traitée durant quelques mois, 5 ans auparavant.
Pile de coupes axiales étagées en écho de spin pondéré T1 montrant un enveloppement cardiaque diffus par un épais tissu en hyposignal homogène atteignant 12 mm d’épaisseur avec veine cave inférieure dilatée
Cine SSFP medioventriculaire montrant l’aspect figé du cette gangue péricardique en hyposignalNoter l’épanchement pleural bilatéral
Pile de coupes axiales scanographiques (avec injection iodée) ne révelant aucune hyperdensité suspecte de calcification et demontrant ainsi que l’épaississement péricardique est purement fibreux
LE PERICARDE EST EPAISSI S’IL MESURE PLUS DE 4 MM EN IRM
Les causes les plus fréquentes d’épaississement et de constriction péricardique sont la chirurgie cardiaque, la radiothérapie, les infections, les maladies de système, l’urémie, les néoplasies. Les formes idiopathiques restent nombreuses.
L’IRM et le scanner synchronisé sont beaucoup plus performantes que l’échocardiographie pour estimer l’épaisseur du péricarde
La distinction entre épanchement péricardique et épaississement péricardique s’effectue grâce à l’aspect du signal en imagerie ciné par écho de gradient. Avec cette séquence, un épaississement fibreux ou calcifié apparait en hyposignal tandis qu’un épanchement apparaitrait en hypersignal, selon le tableau deja exposé précedemment :
ES T1
ciné (GRE, SSFP)
Epanchement
hyposignal
hypersignal
Hémorragie
hétérogène
hétérogène
Epaississement
hyposignal
hyposignal
Le critère d’épaississement pathologique est > 4 mm en écho de spin pondéré T1
Epaississement localisé du péricarde en avant du ventricule droit, identifié ici sous forme de ligne courbe en hyposignal de 5 à 6 mm d’épaisseur (flèche) cernée par l’hypersignal de la graisse épicardique du VD en arrière et par les franges adipeuses paracardiaques en avant. Cette image d’écho de spin isolée ne suffit pas pour poser le diagnostic car un décollement liquidien localisé pourrait donner le même aspect.
Coupe ciné en écho de gradient du même patient. La même ligne courbe prise en sandwich par les structures graisseuses se retrouve devant le ventricule droit. L’hyposignal de cette structure peu mobile prouve qu’il ne s’agit pas d’une formation liquidienne mais d’un tissu solide (fibrose ou calcification).
Deux exemples de péricardite constrictive visualisées en écho de spin T1. Le liseré en hyposignal d’épaisseur homogène en avant des cavités droites (flèches) correspond ici à un épaississement du péricarde mais la seule séquence d’écho de spin montrée ici ne suffit pas pour affirmer qu’il ne s’agit pas d’un discret épanchement liquidien. Une séquence complémentaire en écho de gradient (ciné) est nécessaire pour faire le diagnostic différentiel